Jeudi 6 mars – Ciel gris, crachin, et un Marcel à requinquer: vidange des eaux grises, plein d’eau, plein d’essence, bref, la routine.
On quitte Vieira de Leiria sous un temps idéal pour les escargots et on roule en traversant un paysage dunaire où bruyères et genêts sauvages colorent l’horizon à perte de vue de leurs teintes flamboyantes mauves et jaunes.
Puis on change de décor, on commence à monter dans le centre et on se retrouve au milieu de montagnes couvertes de mimosas et d’eucalyptus… enfin, c’est ce qu’on devine, parce qu’avec ce brouillard, on pourrait aussi bien être sur un parking de supermarché qu’on ne verrait pas la différence.
La visibilité est si mauvaise que même Ginette, pourtant pas du genre à paniquer, commence à bégayer.
Petit arrêt au village de Fajão, qu’on visite aussi vite qu’un touriste japonais en escale. C’est mignon, mais rien de transcendant, et vu la météo, on n’a pas franchement envie de s’y éterniser. Alors, on reprend la route, parce qu’entre randonner sous la pluie et s’enfiler quelques kilomètres au sec dans Marcel, notre choix est vite fait.
Le soir venu, on pose notre maison roulante à Albufeira da Barragem de Santa Luzia, un lac repéré sur Park4Night. On s’installe, on écoute la douce mélodie de la pluie qui tombe, et on remercie notre chauffage pour son inestimable contribution à notre bien-être.







Vendredi 7 mars – Après une nuit passablement calme (sous une pluie battante, certes, mais au moins sans tempête), on se réveille avec une motivation aussi humide que nos chaussettes de la veille. Direction Piódão, un petit bijou en schiste, où toutes les collines sont terrassées avec une patience et un savoir-faire dignes des plus grands bâtisseurs. Ces montagnes, autrefois hostiles, ont été domptées par des générations de cultivateurs qui ont sculpté le paysage pierre après pierre. Franchement, chapeau les anciens!




Sur la route, on tombe par hasard sur Poço do Leixões, un village abandonné, avec des ruines en schiste, une rivière qui serpente paisiblement et, toujours, ces terrasses magnifiques. Une pépite cachée vraiment superbe.





Pause déjeuner sur un plateau battu par les vents, ambiance post-apocalyptique: des blocs de granit énormes, une maison abandonnée et… trois chiens de berger aussi massifs qu’intimidants, le genre de bestioles que même Rambo hésiterait à défier sans une armée et un hélico.
Le BG, toujours placide, tente de rassurer sa blondasse : « Mais je t’assure, ils ont l’air sympa, regardes, ils sourient même!!! »
La blondasse, elle, n’est pas dupe. Dans sa tête, en 3 secondes, elle a déjà vu défiler sa vie et les gros titres: « Touristes français dévorés façon beignets de bacalhaus par des molosses affamés dans les montagnes portugaises. »
En fait, au final, le BG avait raison, plus de peur que de mal. Les trois monstres canins ont continué leur chemin, aussi intéressés par ces drôles d’humains qu’un nain de jardin par un moule à gaufres.



Ensuite, cap sur Linhares da Beira, et là, c’est le chaos météorologique total. Rideaux d’eau, vents à décorner un troupeau entier de taureaux portugais, une lutte acharnée contre les éléments pour tenter d’approcher le château. Mais faut être honnêtes: ça devient trop dangereux et on rebrousse chemin. On court comme des poulets sans tête dans les ruelles pavées, trempés comme des torchons oubliés dans l’évier, et là… le miracle se produit: un café ouvert.





On s’engouffre chez Maria, bistrotière de son état et sauveuse de naufragés climatiques. Elle nous accueille avec un sourire radieux pendant que notre dignité se liquéfie sur son sol en formant une mare. Le BG retrouve goût à la vie avec un café au lait brûlant, tandis que la blondasse se console avec une Ginja, une liqueur de griottes qui fait chaud au cœur et aux intestins, boudiou que c’est bon!
Revigorés, on reprend la route vers Barragem da Teja, où on rencontre un berger adorable qui nous raconte des tas de trucs probablement passionnants… que malheureusement, on ne comprend absolument pas. On hoche la tête, on sourit, on a vaguement l’air intelligents (du moins, on l’espère).


Retour au chaud dans Marcel, parce que devinez quoi? Il repleut.
Samedi 8 mars – La météo nous déteste officiellement! On se réveille, on ouvre le store, et SURPRISE! Toujours la même combinaison gagnante: pluie, vent, froid, bref, une météo de film d’horreur!
Sérieusement, si on avait voulu ce climat, on serait partis en vacances à Dunkerque en janvier. Mais non, nous, on avait naïvement misé sur un Portugal ensoleillé. Échec total.
Puisqu’il faut bien avancer, on roule vers la Vallée du Douro, et là, malgré la flotte, on ne peut qu’être émerveillés. Des collines sculptées en terrasses, des vignobles à perte de vue, un décor de carte postale.
On a même droit à quelques éclaircies fugaces et de très timides rayons de soleil!
Le Douro est une région classée à l’UNESCO, et elle produit deux merveilles: le Porto et le vin de Douro, bref, une région superbe mais où on se demande si Ginette n’a pas picolé en cachette à en juger par ses instructions aussi déviantes que les routes qu’elle nous fait emprunter…







On file vers Vila Real, où on découvre avec amusement qu’elle est jumelée avec… Grasse! Drôle de coïncidence. Passage obligatoire à la lavandaria, où on regarde notre linge tourner avec une intensité dramatique, comme si notre survie en dépendait. Puis, rapide visite de la ville sous une pluie qui ne se lasse pas de nous accompagner. Villa Real c’est 51 000 habitants dont une bonne proportion d’étudiants, beaucoup de très jolis street arts, bref une petite ville charmante, calme, mais on ne s’y attarde pas.




Dernière étape de la journée: un super spot au bord du lac Rabagão, les paysages sont sublimes… mais évidemment, la tempête Barra continue de faire rage. Le vent secoue Marcel comme un prunier, la pluie tambourine contre la tôle, dehors il fait 2°C avec un ressenti de -7°C!
On est bien contents d’avoir un chauffage efficace et bonus météo du soir, apparemment, il devrait neiger cette nuit. On en est au point où ça ne nous choque même plus. Demain, on se réveillera peut-être dans un remake d’ »Into the Wild ».
En attendant, on fait ce qu’on sait faire de mieux dans ces moments-là: se planquer sous la couette et attendre des jours meilleurs.





Dimanche 9 mars – Pluie, bazar et une apparition furtive de l’astre solaire.
Marcel dégouline, Ginette fait la morte. Ca y est, on est résignés, inutile de pleurer sur la météo…
Matin studieux, puis chacun à son poste: le BG bosse sur son appli, tandis que la Blondasse entreprend une réorganisation stratégique de Marcel, cela implique de déplacer des boîtes, râler contre le manque de place et tester trois configurations avant de revenir à la première.
L’après-midi, le soleil se pointe, juste assez pour faire croire à un miracle, on en profite pour foncer explorer les environs et nous dégourdir les gambettes.
On découvre un paysage digne d’un décor de légende, où un géant un peu distrait aurait oublié ses cailloux en jouant à la marelle. Entre les blocs de granit monumentaux et le lac qui reflète le tout, c’est vraiment superbe et complètement inattendu mais la pluie refait son numéro, fidèle comme un vieux copain un peu collant. Tant pis pour la contemplation, on file dans Marcel avant de finir rincés comme des vieilles éponges!










Le soir, dodo au même spot que la veille, faut dire qu’on est trop bien ici : seuls au monde, en pleine nature, au calme absolu.
Demain, on file vers l’Espagne, mais on ne part pas comme on est arrivés. On s’attendait à un Portugal ensoleillé, fait de plages dorées et de ruelles bordées d’azulejos. Mais on a découvert bien plus que ça. Un pays multiple, changeant, surprenant à chaque virage. L’Algarve et son littoral sculpté par le vent, l’Atlantique rugissant à Nazaré, l’Alentejo baigné de douceur et de lumière, les montagnes couvertes de brume et ces villages en schiste où le temps semble suspendu, la vallée du Douro et ses terrasses façonnées par des générations de vignerons… Chaque région a son caractère, son atmosphère, son petit quelque chose d’unique.
Et puis, il y a les Portugais. D’un calme olympien, d’une gentillesse désarmante, patients même quand on massacre leur langue avec des « obrigado » hésitants. Ici, tout se fait sans stress, sans agitation, avec une bienveillance qui donne envie de ralentir et de savourer le moment.
Et justement, on a savouré.
Entre la beauté et la diversité des paysages et l’art de vivre sereinement des Portugais, entre calme et simplicité,
on est tombés sous le charme.
Bref, ce Portugal-là, on ne l’avait pas vu venir. Et on l’a adoré. Il nous a surpris, trempés, réchauffés, émerveillés. On reviendra, c’est sûr!
*Ciao Portugal, à bientôt