Jeudi 13 mars – Météo : Pluie matinale et éclaircies dans l’après-midi, on croit à un mirage!
On s’arrache dare-dare de notre parking à Castañares de Rioja sous une pluie battante digne d’un mois de novembre dans les Iles Kerguelen.
C’est la fête à la grenouille, la joie des essuie-glaces à vitesse max! Pour conjurer le sort, la blondasse dégaine la playlist « Soleil en road trip » et s’époumone sur « Voilà l’été » des Négresses Vertes, convaincue que sa voix de ténor de supermarché va disperser les nuages mais très bizarrement la pluie redouble de force. Pourtant, elle chante bien la bougresse…
Enfin, en tout cas, elle y met tout son cœur, au grand dam de son BG, qui songe de plus en plus sérieusement à une greffe de boules Quies.
Cap sur le Désert des Bardenas Reales, annoncé comme le plus grand désert d’Europe d’après les internautes savants.
Mais aujourd’hui, on est rincés. Pas que par la pluie, mais par les kilomètres avalés, la grisaille qui nous colle aux basques depuis qu’on a quitté la côte portugaise, et l’accumulation de tout ce qu’on a vu ces derniers jours. On décide donc de jeter l’ancre en début d’après-midi à Valtierra, aux portes du désert. Pause bien méritée: le BG, chauffeur en chef, a besoin de reposer son auguste carcasse, et de mon côté, j’ai une tonne de choses à écrire avant que mes souvenirs ne s’emberlificotent façon puzzle éparpillé!
Demain, place à l’exploration, paraîtrait-il que le soleil serait de retour??!
… À nous les Bardenas!
Vendredi 14 mars – Météo : Ça y est! Youpi! Miracle!!! Le soleil est enfin de retour! Bon, il est accompagné d’un vent qui te glace sur place, mais on ne va pas chipoter. La nuit a été calme, reposante, et aujourd’hui, cap sur le désert des Bardenas!
Un décor de western grandeur nature. Manque plus que les Indiens et on s’y croirait. Les paysages sont à couper le souffle, sculptés par l’érosion en d’étonnantes cheminées de fées. Ce qui surprend le plus, c’est la verdure ambiante. Avec toute la pluie tombée ces dernières semaines, le désert n’a de désertique que le nom: petits lacs, ruisseaux et tapis de végétation inattendus ponctuent la boucle de 34 km qui serpente à travers ce territoire sauvage.
Au fil de la route, on croise Gudi. 71 ans, une énergie débordante, et une histoire qui force l’admiration: cette super nana vient de Namibie et voyage seule en fourgon depuis deux ans et demi. Le courant passe immédiatement, et on se retrouve à plusieurs reprises sur le parcours. Il faut dire que dans les Bardenas, il n’y a pas trente-six routes, il n’y en a qu’une, on tourne tous en rond!
En fin d’après-midi, on rebrousse chemin vers Valtierra et retrouvons notre spot de la veille. Le soleil décline, on ne va pas faire de vieux os ce soir, on est kaput.



















Un désert sculpté à la truelle météorologique
Imagine un immense terrain de jeu où la nature s’amuse à tailler la roche comme un sculpteur pressé. Le sol, composé principalement de marne (une sorte de pâte à modeler géante quand il pleut), se déforme, se fissure et se creuse au gré des caprices de la météo. Résultat? Des ravins profonds (barrancos), des cheminées de fée défiant les lois de l’équilibre et des falaises qui semblent grignotées par un rongeur géant.
Si les Bardenas étaient une galerie d’art, La Piskerra et El Rallon seraient les chefs-d’œuvre exposés sous les projecteurs. Ici, l’érosion a fait du zèle : des monolithes perchés comme des sentinelles, des orgues rocheuses accrochées aux falaises et des terrasses sculptées avec une précision digne d’un architecte obsessionnel. Un vrai capharnaüm géologique, mais d’une beauté à couper le souffle.
Et si tu te demandes pourquoi le sol ressemble parfois à une meringue fondue, la réponse tient en un mot : l’eau. Quand il pleut (et oui, même dans un désert, ça arrive), la marne devient une bouillasse molle qui glisse et s’effondre, traçant des rigoles en forme de cicatrices géantes. Ce processus est responsable des fameux badlands de La Blanca, un paysage de crêtes effilées et de ravins abrupts.
Toutes ces eaux de pluie, une fois leur carnage terminé, se jettent gaiement dans l’Èbre, emportant avec elles des tonnes de sédiments. En gros, ce désert est en train de s’auto-démolir petit à petit pour aller se fondre dans le fleuve. Un paysage en sursis, qui change au fil des saisons et des intempéries, comme une œuvre d’art en perpétuelle évolution.
Samedi 15 mars
Météo : Soleil très timide et températures glaciales
Aujourd’hui, on quitte Valtierra sans regret. Non pas qu’on ait une dent contre cette petite ville, mais disons qu’elle n’a pas non plus cherché à nous séduire. À part être bien placée pour explorer le désert des Bardenas, elle ne brille pas par son charme. Marcel, lui, semble soulagé de reprendre la route.
Première étape: Arguedas, où une laverie automatique nous tend les bras. Il est temps de s’attaquer à notre lessive avant que nos chaussettes ne développent une forme de vie autonome. Pendant que le tambour tourne, on grignote un morceau et on se prépare pour la suite du programme: les maisons troglodytes!
La falaise au-dessus d’Arguedas est littéralement un gruyère géant, truffée de cavités et de grottes. Ces dernières ont été habitées jusque dans les années 60.
L’endroit a un petit air de décor de film d’aventure.

Après cette escale, Marcel nous emmène jusqu’au Monasterio de la Oliva, près de Carcastillo. Ce monastère cistercien, fondé en 1150, respire la sérénité et la sobriété. L’architecture romane, épurée, impose un calme qui tranche avec le vent glacial qui nous fouette dehors. Après la visite, on demande humblement aux moines si l’on peut passer la nuit sur leur parking. Accord divin! Marcel s’installe paisiblement, bercé par le silence monacal.







Il fait froid, le vent souffle, et la fatigue pèse. Ce soir, ce sera une soirée au chaud sous les couvertures, en rêvant peut-être à des temps plus cléments.
Demain, on change de décor: retour au pays des fromages qui puent et des escargots au beurre d’ail ! 😆🧀🐌
